UNE NOUVELLE ARME DE DISSUASION : LA CONTRAINTE PENALE
Alors que nombre d’entre nous étions en villégiature, loin des contraintes professionnelles, familiales ou encore financières, notre Garde des Sceaux, Madame Christiane TAUBIRA, a imaginé une réforme pénale dont le dessein essentiel est la lutte contre la récidive en remettant au goût du jour le principe de l’individualisation de la peine et en améliorant les mécanismes permettant de favoriser l’efficacité de la sanction pénale. (1)
La mesure phare étant la contrainte pénale qui s’inspire de celle instituée depuis plus de vingt ans dans différents pays tels que la Grande Bretagne, la Suède ou encore le Canada et ce, dans l’esprit du Conseil de l’Europe et de l’Union Européenne qui incitent les états à imaginer des peines alternatives à la prison appliquées en milieu ouvert, c’est à dire dans le cadre de vie du condamné pour permettre et faciliter sa resocialisation.
Tirant le constat que 44 % des récidivistes sont des automobilistes, et que les sanctions de plus en plus automatiques et de plus en plus répressives n’étaient aucunement satisfactoires, il a été imaginé un système dont l’objectif principal serait de supprimer tous les mécanismes automatiques limitant la possibilité d’individualisation de la peine.
Trop souvent devant la présence de multirécidivistes, la Justice s’estime désemparée et prononce des peines d’emprisonnement qui, si elles peuvent satisfaire tel Parquet ou telle victime, demeurent très réductrices de la vocation de nos Juges. Ces derniers se doivent de veiller à ce que le trouble public cesse, à permettre au condamné de s’amender et aux victimes de recevoir une juste indemnisation après que leur parole ait été écoutée.
En matière routière, la lutte contre la conduite sous alcoolémie et/ou sous stupéfiants nécessite de pouvoir conjuguer apprentissage, information, assistance et sanction dans l’intérêt des personnes poursuivies et des victimes.
La récidive est un véritable fléau dans le domaine de la délinquance routière et les dernières réformes ont été particulièrement insatisfaisantes avec des réponses purement répressives aux effets pervers avec de plus en plus de personnes mises au banc de la société et les conduisant inéluctablement à reproduire les actes de délinquance.
L’alcoolisme et la drogue sont des fléaux et sont à considérer comme des maladies et la réponse ne peut être l’emprisonnement alors que les études ont démontré que la consommation de cannabis était particulièrement répandue en milieu carcéral.
L’enjeu majeur d’une politique pénale réussie demeure celui du combat contre la récidive et l’accompagnement et le suivi de la personne condamnée ce qui permettra d’ailleurs de proposer une meilleure réponse aux victimes.
La contrainte pénale vise les personnes ayant commis un ou plusieurs délits réprimés par une peine de moins de 5 ans d’emprisonnement. La délinquance routière est particulièrement concernée par cette réforme.
L’idée principale est que la personne déclarée coupable pourra conserver sa liberté sous réserve de respecter des obligations comme l’obligation de soins, celle d’indemniser la victime, celle d’être à jour à l’égard de la trésorerie (amendes) ou de suivre une formation ou de rechercher activement un emploi ET des interdictions de conduire, de fréquenter certains lieux publics comme les débits de boissons, les discothèques…
A l’image du sursis avec mise à l’épreuve, la personne condamnée bénéficiera d’un accompagnement et d’un contrôle et mandat sera donné au Juge de l’Application des Peines et du service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP).
En revanche et à la différence de la mesure de sursis avec mise à l’épreuve, il a été voulu que la mesure de contrainte pénale bénéficie d’un accompagnement et d’un contrôle renforcés et adaptés à la personne condamnée et ce, dès le prononcé de la mesure par la juridiction répressive, le texte parlant du prononcé d’une mesure ab initio.
Les mesures qui seront imposées au condamné pourront s’échelonner sur une période de 6 mois à 5 années avec la nécessité d’assurer un suivi et une évaluation régulière des mesures en cours d’exécution pour permettre une adaptation en fonction de la situation de chacun. Chaque année et sous le contrôle du Juge de l’Application des Peines, une évaluation sur la situation sociale et criminologique sera réalisée, pour permettre, le cas échant, d’adapter les mesures au regard des progrès ou des régressions du condamné.
A l’issue de ces audiences, le Juges de l’Application des Peines pourra envisager la poursuite des mesures, leur assouplissement voire la révocation partielle de la contrainte pénale et l’exécution au besoin en milieu fermé de la sanction, tout en limitant sa durée à la moitié de la peine restant à couvrir sous réserve de la saisine du Tribunal.
Pour les esprits chagrins n’envisageant la politique pénale que dans un esprit purement et exclusivement répressif et qui ne verraient, à première lecture, cette réforme que comme une attitude permissive du gouvernement actuel, il sera souligné que le texte durcit les conditions d’aménagement des peines en prévoyant expressément que désormais ne sont aménageables que les peines d’emprisonnement fermes inférieures ou égales à 1 an d’emprisonnement pour les primo-délinquants et à 6 mois d’emprisonnement ferme pour les récidivistes.
De la même manière, le respect dû à la victime est rappelé avec vigueur au travers la nouvelle mouture de l’article 707 du code de procédure pénale. (2)
Il semble que cette réforme a le mérite de respecter l’équilibre, les droits et les devoirs des parties au débat judiciaire dans le cadre de l’exécution des peines sous le contrôle des Tribunaux.
Soyez Vigilant.
Gabriel DENECKER
Avocat au Barreau de Lille
(1) De nombreux articles du code pénal ou du code de procédure pénale ont été modifiés ou créés. La contrainte pénale est définie à l’article 131-8-2 du code pénal, les aménagements sont fixés par les articles 700 et suivants du code de procédure pénale…
(2) Article 707 al. 2 et 3 du code de procédure pénale : Au cours de l’exécution de la peine, la victime a le droit : 1° De saisir l’autorité judiciaire de toutes atteintes à ses intérêts ; 2° D’obtenir la réparation de son préjudice, par l’indemnisation de celui-ci ou par tout autre moyen adapté ; 3° D’être informée si elle le souhaite de la fin de l’exécution d’une peine privative de liberté dans les cas et conditions prévues par le présent code ; 4° A la prise en compte, s’il y a lieu, de la nécessité de garantir sa tranquillité et sa sûreté. L’autorité judiciaire est tenue de garantir l’intégralité de ces droits tout au long de l’exécution de la peine quelles qu’en soient les modalités… »
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