LES PRATIQUES BANCAIRES SOUS L’ŒIL DU JUGE
l’année lombarde, calculée sur 360 jours, est une clause abusive…
Au XVème siècle, Rome, centre du catholicisme, a vu se développer la pratique du prêt sur gage.
La pratique était simple, pour contourner l’interdit chrétien du prêt à intérêt, les contrats prévoyaient une amende en cas d’inexécution pour l’emprunteur ainsi qu’une clause de vente-rachat (la forme actuelle du crédit lombard est la pension livrée ou réméré sur obligation).
Le catholicisme condamnait le prêt à intérêt[1] et avait interdit l’usure, l’état a ensuite pris la relève et c’est la Banque de France qui aujourd’hui fixe le seuil de l’usure, le prêt étant considéré comme un outil indispensable à l’économie monétaire.
Si ces banquiers (les « Lombards », par analogie avec cette région prospère du Nord de l’Italie) n’avaient pas bonne presse à l’époque, leurs pratiques, elles, ont parfois encore cours.
Notamment, celle de « l’année lombarde », soit le calcul des intérêts conventionnels sur la base d’une année de 360 jours.
La loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 dite « loi Murcef » a imposé aux banques la rédaction conventions de comptes.
Dès 2005, la Commission des clauses abusives, mise en place en janvier 1978, a émis une recommandation 05-02 relative à ces conventions de compte de dépôt.
Dans cette recommandation publiée au BOCCRF du 20 septembre 2005, la Commission a constaté que l’accroissement de l’utilisation des moyens de paiement bancaires et le développement du crédit avaient généré un recours massif aux services bancaires et que les documents « contractuels d’ouverture de comptes de dépôt, proposés par certains établissements de crédit, contiennent des clauses dont le caractère abusif au sens de l’article L 132-1 du Code de la consommation peut être relevé ».
Notamment, dans le point 8 de cette recommandation, est pointée du doigt la clause prévoyant le « calcul des intérêts conventionnels sur la base d’une année de 360 jours ».
Selon la commission, cette pratique, « qui ne tient pas compte de la durée réelle de l’année civile et qui ne permet pas au consommateur d’évaluer le surcoût qui est susceptible d’en résulter à son détriment (eh oui, c’est souvent voire toujours que le calcul sur 360 jours s’avère favorable à la banque. Etonnant, non ?), est de nature à créer un déséquilibre significatif au détriment du consommateur ».
…qui peut être sanctionnée par le juge
Les scandales financiers, les crises mondiales, ont fait monter dans nos sociétés une forme d’indignation dont le sentiment ne fait que se renforcer.
Petit à petit, les juges se sont intéressés à ces questions de déséquilibre et la Cour de cassation a rendu le 19 juin 2013 un arrêt dont l’importance mérite d’être rappelée.
Pour la Cour, « En application combinée des articles 1907, alinéa 2, du code civil et L. 313-1, L. 313-2 et R. 313-1 du code de la consommation, le taux de l'intérêt conventionnel mentionné par écrit dans l'acte de prêt consenti à un consommateur ou un non-professionnel doit, comme le taux effectif global, sous peine de se voir substituer l'intérêt légal, être calculé sur la base de l'année civile ».
Or, l’année civile n’a jamais fait 360 jours mais 365 (ou 366) jours.
Il va de soi que la sanction encourue par les banquiers se révèle sévère, le taux de l’intérêt légal était de 0,04% en 2014, il est, pour ces opérations, de 0,93% pour le 1er semestre de 2015).
Courant 2014, la Banque de France révèle que l’encours des banques françaises est de quelques 824 milliards.
De son côté, la DGCCRF (Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes) a révélé qu’un tiers des contrats seraient irréguliers, pour des raisons diverses, et a pris des sanctions à l’encontre de certains établissements de crédit.
Il y a fort à parier que les juges, confrontés à des emprunteurs en difficulté, se penchent eux aussi de plus en plus souvent sur ces irrégularités… et prononcent des sanctions.
Réactives, les banques se « dé-lombardisent ».
Mais il reste tous les contrats en cours…
Jean Christophe PLAYOUST,
Avocat au Barreau de LILLE
[1] Thomas d’Aquin, Dominicain du XIIIème siècle, considérait que « recevoir un intérêt pour l’usage de l’argent prêté est en soi injuste, car c’est faire payer ce qui n’existe pas, ce qui constitue évidemment une inégalité contraire à la justice»
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